Menu
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > COVID-19 et responsabilité des administrateurs: que faut-il retenir?

COVID-19 et responsabilité des administrateurs: que faut-il retenir?

Le 09 mai 2020
COVID-19 et responsabilité des administrateurs:  que faut-il retenir?

La pandémie du Coronavirus entraîne des changements importants dans la gestion des entreprises : commerces fermés, adaptation aux mesures sanitaires, chute du chiffre d'affaires ou encore mise aux chômages des employés. De nombreuses décisions doivent être prises pour traverser cette crise.

Les dirigeants d’entreprises disposent pourtant de peu de repères pour poser des choix aussi nombreux que difficiles. Si leur priorité doit concerner la sécurité du personnel et des clients, les administrateurs sont également tenus de veiller à la situation financière de l’entreprise.

Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, cet article vise à attirer l'attention des dirigeants d'entreprise sur quelques règles légales qu’ils doivent garder à l'esprit pour limiter le risque que leur responsabilité puisse être mise en cause dans les mois à venir.

Cliquez ici pour ouvrir une version pdf de cet article

I. Informez-vous sur les aides disponibles

La première obligation financière qui repose sur les épaules des dirigeants d’entreprise pendant cette crise liée à au COVID-19 consiste à correctement s’informer des aides  offertes aux entreprises de leur secteur qui rencontrent des difficultés économiques dans cette période exceptionnelle.

Il est en effet possible pour les entreprises, à certaines conditions, de reporter le paiement de leurs cotisations sociales, de leur dette TVA ou encore de l’impôt des sociétés. Certaines entreprises peuvent par ailleurs revendiquer des aides et primes régionales. De même, sous certaines conditions, le recours à des facilités de crédit, l’octroi de garanties publiques, des reports de remboursement de crédits en cours ou encore l’octroi de crédits-ponts est envisageable.

Les mesures sont nombreuses, variées et conditionnées à des exigences multiples et non uniformes. Or, si un administrateur néglige de faire appel à une aide à laquelle sa société était en droit de recourir, sa responsabilité pourrait être engagée, à tout le moins à l’égard de la société. Il est donc vivement conseillé aux organes d’administration de se faire conseiller en la matière par des tiers (comptables, conseillers fiscaux, conseillers en gestion, avocats, etc.).

II. Examinez les obligations légales de la société sous un nouvel angle

Il est ensuite conseillé aux administrateurs d’explorer les possibilités ouvertes à leur entreprise de suspendre certains contrats – comme leur contrat de bail –, d’invoquer une clause de force majeure, une clause d’imprévision ou encore de contacter les partenaires commerciaux de la société pour revoir les termes de leurs accords.

Limiter ou redéfinir les engagements de la société au regard du contexte économique actuel pourrait offrir une réelle bouée d’oxygène aux sociétés en difficulté.

III. Ne faites pas d’arbitrage non justifié entre les paiements à faire par l’entreprise

Si votre société n’est temporairement pas en mesure d’honorer toutes ses dettes exigibles en raison du contexte économique lié au Coronavirus, il en va de la responsabilité de l’administrateur de ne pas privilégier certains créanciers au détriment d’autres, sans critère objectif.

L’administrateur ne peut pas, en particulier, privilégier le remboursement de prêts dont il se serait porté caution à titre personnel.

Concrètement, il est proposé aux dirigeants d’entreprise de répartir chaque créancier dans des catégories en fonction des particularités de leur activité (par exemple : les créanciers privilégiés, les créanciers essentiels pour la poursuite de l’activité, les créanciers non essentiels, etc.) et de traiter tous les créanciers d’une même catégorie de manière uniforme.

IV. Envisagez des mesures de redressement si l'entreprise est en difficulté

L'article 2:52 du Code des sociétés et des associations impose à l'organe d'administration "lorsque des faits graves et concordants sont susceptibles de compromettre la continuité de l’entreprise", de délibérer sur les mesures qui devraient être prises pour assurer la continuité de l’activité économique pendant une période minimale de douze mois.

Cette obligation s'impose à toutes les sociétés, en ce compris celles, comme les SRL, qui pourraient être gérées par un administrateur unique (auparavant appelé "gérant").

Si la continuité de l’activité de l'entreprise est menacée, dans l'année à venir, à cause de la crise actuelle du Coronavirus, il est par conséquent impératif que les organes d'administration envisagent dès à présent des mesures de redressement et, surtout, qu’ils en en gardent une trace. Cette documentation est nécessaire même pour les administrateurs uniques, afin de pouvoir démontrer, si leur responsabilité venait à être mise ne cause, qu'ils ont, pendant la crise, correctement mise en œuvre cet article 2:52 CSA

V. Mettez en œuvre la procédure de sonnette d'alarme : convoquez l'assemblée générale

Lorsqu'une société enregistre des pertes successives et voit arriver les problèmes financiers, le Code des sociétés et des associations impose aux organes d’administration de convoquer une assemblée générale qui statuera sur la continuité ou non de l’entreprise sur la base des mesures de redressement proposées par les administrateurs dans un rapport spécial. Si l’organe d’administration ne perçoit aucune mesure susceptible de relancer l’activité, il peut également proposer la dissolution de la société aux actionnaires.

Dans les SA, cette procédure dite de "sonnette d'alarme" doit être appliquée lorsque l'actif net est réduit à un montant inférieur à la moitié du capital de même que, ultérieurement, lorsque l'actif net devient inférieur à un quart du capital social

Dans les SRL et Scoop, la procédure de sonnette d'alarme doit être activée :

-  lorsque l'actif net risque de devenir ou est devenu négatif ; ou

-  lorsqu'il n'est plus certain que la société, selon les développements auxquels on peut raisonnablement s'attendre, sera en mesure de s'acquitter de ses dettes au fur et à mesure de leur échéance pendant au moins les douze mois suivants.

L'assemblée générale doit être convoquée à une réunion qui doit se tenir dans les deux mois à dater du moment où les conditions de la sonnette d'alarme ont ou auraient dû être constatées. 

Notons encore que l'absence de rédaction du rapport spécial par les dirigeants de l'entreprise, reprenant les mesures de redressement envisagées, affecte de nullité la décision prise par la suite par l'assemblée générale. 

Il est par conséquent vivement conseillé aux administrateurs des sociétés affectées par la crise du COVID-19 d'être particulièrement attentifs à cette procédure de sonnette d'alarme et de convoquer l'assemblée générale dès que les conditions sont réunies et ce, même si les actionnaires de la société se confondent en grande partie avec les dirigeants de la société.  En effet, la connaissance, par les actionnaires de la société, de la situation financière de celle-ci, n'exonère pas les administrateurs de leur responsabilité pour non-respect des obligations imposées par le CSA.

VI. Introduisez une procédure de réorganisation judiciaire si le Coronavirus menace la poursuite de l’activité de l'entreprise

Si l'activité de votre société est menacée à court terme en raison de la crise du COVID-19 uniquement, que ce soit pour manque de trésorerie ou problème de solvabilité, il est conseillé aux administrateurs de solliciter l’ouverture d’une procédure en réorganisation judiciaire. Comme expliqué dans notre précédent article, cette procédure permet d’octroyer un sursis aux entreprises, pendant lequel ses créanciers ne peuvent pas saisir les biens de la société pour des dettes antérieures à l’ouverture de la PRJ.

Ces dettes, dites sursitaires, peuvent également être réduites jusqu'à 80% dans le cadre d’un accord homologué avec les créanciers de la société et être étalées sur une période de maximum 5 ans.

La procédure en réorganisation judiciaire n’est toutefois un recours utile pour une entreprise en difficulté que si la société est en mesure, à partir de l’ouverture de la PRJ, d’honorer ses dettes postérieures à l’introduction de la procédure.

VII. Evitez la responsabilité pour wrongful trading : faites aveu de faillite s’il n’y a plus d’autres issues

Conformément à l’article XX.227 du Code de droit économique, la responsabilité personnelle d’un administrateur peut être mise en cause par le curateur d’une société en faillite, si (i) à une date antérieure à la faillite, l’administrateur savait ou devait savoir qu'il n'y avait manifestement plus de perspective raisonnable pour préserver la continuité de l’entreprise et donc éviter une faillite et (ii) cet administrateur n’a pas agi comme l'aurait fait un administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

Après avoir exploré toutes les pistes envisageables pour sauver la société, l’administrateur est donc tenu de faire aveu de faillite. La loi lui impose de le faire dans le mois de la cessation de paiement, bien que le gouvernement ait exceptionnellement suspendu cette obligation jusqu’au 18 mai 2020 pour tenir compte des effets du confinement imposé pour lutter contre le Coronavirus (voir mon article sur le moratoire temporaire sur les faillites).  

Si l’aveu de faillite est souvent vécu comme un échec, il permet également, dans certaines circonstances, de relancer l’activité par sa reprise par un tiers ou par un actionnaire. N’y voyez donc pas que du mal !

Si vous êtes administrateur (ou "gérant" selon l'ancien Code des sociétés) d'une société en difficulté et que vous vous posez des questions sur vos obligations, vos responsabilités, vos droits ou la manière la plus adaptée juridiquement de sauver votre entreprise en plein milieu de cette crise sanitaire liée au Coronavirus, n'hésitez pas à contacter Me Eloy et son équipe d'avocats. Me Eloy est spécialisée en droit des affaires et conseille, au quotidien, tant les dirigeants d'entreprise que les sociétés en difficulté. Vous pouvez la joindre par e-mail via cette adresse contact@eloy-avocat.be, par téléphone au 02.896.89.38, ou encore via le formulaire de contact sous ce lien.

Documents associés à cette actualité : covid-19-et-responsabilite-des-administrateurs.pdf