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Le droit d’investigation et de contrôle : un outil très utile dans les conflits entre actionnaires

Le 20 septembre 2021
Le droit d’investigation et de contrôle : un outil très utile dans les conflits entre actionnaires

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Il n’est pas rare qu’un actionnaire soit en conflit avec l’administrateur d’une société ou un autre de ses associés. Lorsque cet actionnaire ne détient pas de pouvoir de gestion, il lui est souvent difficile de vérifier ou de prouver le bien-fondé de ses craintes quant à la gestion de la société, aux mains de la partie adverse. Or, en sa qualité d’actionnaire, tout détenteur d’actions est en droit de vérifier que l’entreprise est gérée aux mieux de ses intérêts et est susceptible de lui procurer des dividendes.

C’est pourquoi le Code des sociétés et des associations offre à tout actionnaire le droit de consulter et de contrôler la comptabilité de la société, à l’aide d’un expert-comptable, pour autant qu’aucun commissaire ne soit désigné dans cette entreprise pour effectuer pareil contrôle. Petit retour sur cet outil très efficace en pratique.

I.             Un droit de contrôle large reconnu à tout actionnaire

L’article 3:101 du CSA prescrit qu’ « Au cas où aucun commissaire n'est nommé, chaque associé ou actionnaire a, nonobstant toute disposition statutaire contraire, individuellement les pouvoirs d'investigation et de contrôle d'un commissaire. Il peut se faire représenter ou se faire assister par un expert-comptable externe ». En général, des les petites et moyennes entreprises, aucun commissaire n’est désigné, à défaut d’obligation légale en ce sens. Rien n’empêche cependant une société de désigner pareil commissaire pour assurer un contrôle et une transparence par un tiers neutre, excluant dès lors le droit d’investigation personnel des actionnaires.

Sur la base de cet article, à défaut de nomination d’un commissaire par la société, tout actionnaire peut prendre connaissance, à tout moment, en principe sans autorisation préalable, des livres, de la correspondance, des procès-verbaux et généralement de toutes les écritures comptables de la société. Il peut également exiger de l’organe d’administration (ou de toute personne mandatée par celui-ci) toutes les explications ou informations nécessaires à l’examen de cette comptabilité et des documents sociaux.

L’actionnaire ne peut cependant pas exiger de copies de ces documents, ni requérir de la société que ces documents soient mis à sa disposition dans un lieu particulier. C’est, en effet, à l’actionnaire qui revendique son droit d’investigation de se déplacer au siège social de la société ou à tout endroit que l’organe d’administration lui indiquera (par exemple chez le comptable) pour effectuer son contrôle. L’examen se fait sur place, pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, sans photos ni copies prises par l’actionnaire, qui peut seulement prendre des notes.

Seule limitation, qui revête pourtant toute son importance, il est classiquement enseigné que le droit de contrôle de l’actionnaire ne peut porter que sur l’exercice social en cours ou un exercice précédent à propos duquel l’assemblée générale des actionnaires n’a pas encore approuvé les comptes annuels. Bien que certaines exceptions existent - en ce qu’il est parfois nécessaire d’examiner des documents passés pour contrôler l’adéquation de certaines écritures comptables actuelles – il est en effet unanimement acquis que le droit d’investigation ne peut avoir pour but de remettre en cause, tardivement, des comptes annuels déjà approuvés, sauf à démontrer un éventuel dol ou une fraude dans les comptes déjà déposés à la Banque nationale de Belgique.

II.           Un droit de contrôle ouvert aux usufruitiers d’actions

Lorsque la propriété d’une action d’une société est démembrée, le Code des sociétés et des associations prescrit désormais que « sauf disposition statutaire, testamentaire ou conventionnelle contraire, l'usufruitier de titres exerce tous les droits attachés à ceux-ci ». A défaut d’action commune de l’usufruitier et du nu-propriétaire, c’est donc l’usufruitier qui est en droit de faire valoir le droit d’investigation à l’égard de la société, sans que cette dernière ne puisse se retrancher derrière l’absence d’accord du nu-propriétaire pour ne pas ouvrir ses comptes à l’usufruitier.


Cette conclusion s’impose, même si, comme dans de nombreuses sociétés qui n’ont pas encore adapté leurs statuts au nouveau code des sociétés et des associations, les statuts prévoient, en substance, que « les propriétaires en indivision doivent se faire représenter à l’égard de la société par une seule personne ; aussi longtemps qu’il ne sera pas satisfait à cette clause, les droits afférents à ces titres seront suspendus ».


Par une décision encore inédite du Tribunal de l’entreprise de Namur, division Dinant, prononcée le 26 mai 2021, il a, en effet, été déjà jugé que ce type de clause statutaire n’est pas contraire à l’article 7 : 26 du CSA en ce que ces clauses ne précisent pas qui doit désigner ce représentant ; ce qui est désormais chose faite par l’article 7 : 26 du CSA en l’absence d’accords contraires conjoints des nus-propriétaires et des usufruitiers. En présence de pareille clause et à défaut de désignation explicite, c’est donc bien l’usufruitier qui peut agir, seul, pour faire valoir le droit de contrôle reconnu à l’article 3 :101 du CSA et ce, malgré le désaccord ou l’absence de prise de position des nus-propriétaires.

III.        Un droit de contrôle qui s’exerce généralement avec l’aide d’un expert-comptable

L’analyse de la comptabilité d’une entreprise et des documents sociaux n’est néanmoins pas chose facile pour un profane. C’est pourquoi, l’article 3 :101 du Code des sociétés et des associations autorise tout actionnaire à se faire assister (ou représenter) lors de cette consultation de la comptabilité, par un expert-comptable externe. Un simple comptable ne peut pas exercer cette mission. Les experts-comptables, ont, par contre, été formés à ces contrôles et doivent respecter une certaine déontologie lors de leur examen.

L’expert-comptable remet généralement un rapport écrit à la suite de son examen, qui pourra servir d’élément de preuve à l’actionnaire pour introduire une éventuelle action en justice en désignation d’un administrateur provisoire (voir sur ce point notre article précédent), une action mandati contre un administrateur (action en responsabilité pour mauvaise exécution de son mandat d’administrateur), ou encore une action en exclusion ou en rachat forcé d’actions, etc.

Sur la base de l’article 3 :102 du CSA, la rémunération de cet expert-comptable est mise à la charge de la société, uniquement si cette dernière y consent ou si cette rémunération est à mise à sa charge par décision judiciaire. Dans ces deux cas, les observations de l'expert-comptable externe doivent être communiquées à la société.

 IV.       Un droit d’investigation dont le non-respect fait l’objet de diverses sanctions

Enfin, il est encore utile de préciser que les sociétés et administrateurs qui souhaiteraient s’opposer, abusivement, au contrôle de leur comptabilité par un actionnaire s’exposent à différentes poursuites.

Sur le plan civil, le juge des référés est compétent pour condamner la société à mettre à disposition de l’actionnaire les documents demandés, dans un délai très court et sous peine d’astreintes courant généralement par jour de retard. La saisine du juge des référés reste cependant soumise à la preuve d’une certaine urgence. A défaut, le Tribunal de l’entreprise sera compétent.

Sur le plan pénal, le non-respect, par un administrateur, du droit d’investigation d’un actionnaire est passible de sanctions pouvant aller de l’amende à la peine d’emprisonnement en vertu des articles 3 :96 à 3 :97 du CSA.


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