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COVID-19 et entreprises en difficulté : le législateur assouplit la PRJ

Le 19 avril 2021
COVID-19 et entreprises en difficulté : le législateur assouplit la PRJ

Après avoir levé, le 31 janvier 2021, le deuxième moratoire sur les faillites mis en place par le législateur pour protéger les entreprises qui ont été – voire sont toujours - contraintes de fermer leur établissement en raison de la pandémie, le législateur a voté une loi promulguée le 21 mars 2021 pour protéger davantage les entreprises en difficulté sujettes dorénavant à des citations en faillite de la part de leurs créanciers. Ces protections sont essentiellement de trois ordres et s’appliquent à toutes les entreprises qu’elles aient, ou non, fait l’objet de mesures de fermeture exceptionnelles.

Elles sont entrées en vigueur le 26 mars 2021 et devraient cesser leurs effets après le 30 juin 2021, sauf prolongation par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

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1.    Un assouplissement des conditions d’accès de la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ)

Dès le dépôt d’une requête en réorganisation judiciaire, l’entreprise en difficulté ne peut être déclarée en faillite, dissoute judiciairement, ni faire l’objet, à quelques exceptions près, d’une vente forcée de ses biens meubles ou immeubles. Jusqu’ici, pareille requête n’était cependant recevable, et la protection précitée applicable, que si l’entreprise joignait à sa requête une série d’annexes coûteuses et chronophages. Il s’agissait de joindre, notamment, une situation comptable à jour de l’entreprise, un budget prévisionnel pour la durée sollicitée de la procédure de réorganisation judiciaire ainsi qu’une liste complète de tous les créanciers de l’entreprise.

Par la loi du 21 mars 2021, le législateur n’a plus conditionné la recevabilité d’une requête en réorganisation judiciaire au dépôt des annexes précitées (et plus précisément de toutes celles mentionnées à l’article XX.44, §2, alinéa 1er, 5° à 9° du Code de droit économique). L’entreprise sera protégée dès le dépôt de sa requête et devra déposer ces annexes au plus tard 48 heures avant l’audience à la suite de laquelle le Tribunal statuera sur l’ouverture de la PRJ, soit une dizaine de jours plus tard. De plus, si, pour cette date, l’entreprise en difficulté n’est pas davantage en mesure de fournir ces documents, elle pourra déposer une note qui indique, de façon circonstanciée, les motifs pour lesquels elle n'a pu y pourvoir. Si ces explications convainquent le Tribunal,  la PRJ pourra quand même être ouverte, et l’entreprise rester sous protection judiciaire.

En pratique, cet assouplissement devrait permettre à des entreprises en difficulté de s’opposer à une citation en faillite ou à l’exécution d’une saisie en déposant une requête en procédure de réorganisation judiciaire qui ne sera complétée que par la suite. Le risque d’abus est cependant bien réel, puisque cette voie royale risque de séduire des entreprises en difficulté sans aucune possibilité de redressement et d’inciter dès lors l’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire sollicitée uniquement pour retarder une faillite ou une saisie inévitable. C’est d’ailleurs, à cause de ces nombreux abus, que le législateur avait renforcé les conditions d’accès à la procédure de réorganisation judiciaire lors de sa réforme de 2013.

2.    L’introduction d’un « prépack » pour faciliter le succès d’une PRJ

Le législateur a profité de cette réforme temporaire pour introduire une nouveauté attendue depuis longtemps en droit belge, le « prépack ». Cette procédure vise à lutter contre les effets négatifs de la publicité attachée à l’introduction d’une procédure en réorganisation judiciaire. Toute ouverture d’une PRJ est, en effet, publiée au Moniteur belge et reprise sur la fiche de l’entreprise en ligne sur la Banque-Carrefour des entreprises. Lorsque les difficultés d’une entreprise deviennent publiques, les tiers sont cependant réticents à collaborer avec celle-ci, ce qui accroît les difficultés que l’entreprise doit surmonter, et menace dès lors encore davantage sa continuité.

Pour remédier à cet écueil, la loi du 21 mars 2021 a introduit une nouvelle forme simplifiée et accélérée de procédure de réorganisation judiciaire qui est susceptible de s’appliquer lorsque celle-ci vise la conclusion d’un accord amiable avec au moins deux créanciers d’une part, ou le vote favorable sur un plan de réorganisation judiciaire d’autre part. Cette nouvelle procédure ne s’applique en revanche pas lorsque la PRJ vise un transfert sous autorité de justice.

Dans le cadre d’une procédure unilatérale consacrée par le nouvel article XX.39/1 du Code de droit économique, les entreprises en difficulté peuvent désormais solliciter, en toute confidentialité, auprès du Président du Tribunal de l’entreprise la désignation d’un mandataire de justice, chargé de faciliter la négociation d’un accord amiable avec les créanciers visés, ou d’établir un plan de réorganisation, avant même qu’une requête en réorganisation judiciaire ne soit déposée. Cette nomination n’est pas publiée, mais est assortie de la désignation d’un juge délégué qui suivra l’avancement du dossier.

Si le mandataire de justice trouve un accord amiable avec au moins deux créanciers ou pense qu’il obtiendra le vote de la majorité des créanciers représentant la moitié des créances de l’entreprise sur un plan de réorganisation judiciaire qui permettra de sauver l’entreprise, il informe le Président du Tribunal qui renverra le dossier à la chambre compétente du Tribunal. Le Tribunal de l’entreprise ouvrira alors, dans les 5 jours ouvrables, une procédure de réorganisation judiciaire avec la publicité qui s’y attache. Il statuera ensuite sur l’homologation de l’accord au plus tard dans un délai d’un mois ou fixera l’audience de vote sur le plan de PRJ au plus tard dans un délai de trois mois.

Cette procédure a l’avantage de sécuriser la réussite d’une procédure de réorganisation judiciaire avant même qu’une PRJ ne soit ouverte et publique. En effet, dans cette nouvelle procédure, les difficultés de l’entreprise ne sont connues des tiers qu’une fois l’accord trouvé par le mandataire de justice. Les créanciers sont, quant à eux, informés uniquement si, et au moment où, le mandataire de justice l’aura jugé opportun pour assurer la survie de l’entreprise.

Dans la mesure où la mission du mandataire de justice se déroule en dehors de toute PRJ, l’entreprise en difficulté n’est en revanche pas protégée contre les faillites, ni les saisies pendant la durée de la négociation menée par ce dernier. C’est pourquoi le législateur a offert au mandataire de justice la possibilité de solliciter, pour le compte de l’entreprise en difficulté, par requête notifiée aux créanciers concernés, des termes et délais que le Président du Tribunal de l’entreprise peut accorder pour une durée de maximum 4 mois. Si ces délais sont accordés, les créanciers se voient priver de la faculté de poursuivre le recouvrement de leur créance, même constatée par jugement, pendant la durée fixée.

3.    Autorisation des PRJ en cascade

Enfin, la loi du 21 mars 2021 autorise, temporairement également, les entreprises qui auraient déjà obtenu l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire moins de trois ans plus tôt à en introduire une nouvelle, quel que soit dorénavant l’objectif recherché par cette nouvelle demande (accord amiable, plan de réorganisation judiciaire ou transfert sous autorité de justice).

 

Il n’est malheureusement pas certain que ces nouvelles mesures de soutien, très limitées, soient réellement utiles pour aider les entreprises en difficulté à traverser les difficultés financières liées à la pandémie. Au contraire, au même titre que le moratoire sur les faillites, ces nouvelles protections pourraient n’avoir pour effet que de retarder l’inévitable.

 

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